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Midgard State
28 février 2005

Final Fantasy est la meilleure série de tous les

 
Final Fantasy est la meilleure série de tous les temps, de l'univers, et des Ardennes (1ère étape)


Entamée depuis quelques temps, et surtout sublimée après la publication d'un nouveau magazine traitant de jeux de rôles vidéoludiques, et nommé justement RPG, une déferlante d'un certain aveuglement concernant la série de Square-Enix baptisée Final Fantasy a tendance a s'étendre sans jamais être remise en cause, ni explicitée. Désignée plus qu'arbitrairement comme, je cite « la plus grande série du monde du RPG console », cette saga, certes de grande qualité, n'en est pas moins une institution dominée par une passion qui s'éteint de plus en plus, laissant la place à des titres parfois peu convaincants, d'une part par leur fond propre, et d'autre part par leur statut de chefs-d'œuvre incontestés avant même d'avoir vu le jour. Je suis, comme beaucoup, férocement excité à l'annonce de la sortie d'un nouvel épisode de cette épopée, à l'envie de parcourir un univers dans lequel je peux me projeter, contenant mes rêves, mes désirs, et mes désillusions, de plonger dans un flot de sentiments, de moments latents de contemplation, et de destins aux rebondissements romanesque. Mais depuis quelques années, et surtout grâce à la découverte et la « démocratisation » de l'import, de nombreuses personnes ont vibré pour tant de RPG non affiliés à la série fondatrice de Square-Enix, trouvé tellement de choses ailleurs, tellement d'originalités, d'approches matures, et de parts d'onirisme touchantes, qu'elles sont parvenues à posséder un recul nettement suffisant, et de ce fait un regard critique beaucoup plus probant et affiné sur une saga qui se trouve, à mon avis, non pas mauvaise, loin de là, mais véritablement surestimée.


Pourquoi cette institution ?


Mis à part les différentes approches scénaristiques, et les qualités visuelles toujours au sommet des possibilités d'une époque, contenant évidemment une exposition de designs souvent innovants et pétris de qualité, Final Fantasy est surtout un univers, avec ce que cela comporte de fort bons côtés, mais également d'écueils handicapants. Effectivement, cet aspect provoque une habitude, un bien-être passif, une définition du sentiment même de plaisir rêvé, d'un bonheur appréhendé, sans forcément attendre une couche supplémentaire à son placement enviable. Bercés par cette construction imaginaire décantée au gré de douze (en comptant FFX-2), et bientôt treize épisodes, les joueurs se trouvent en un sens piégés par cette nébuleuse de sentiments communs, agréables, et surtout facilement repérables dans un contexte pourtant à chaque fois différent. Je ne dis pas que c'est une mauvaise chose, simplement que c'est une façon de fidéliser inconsciemment l'acteur dans un univers au sein duquel il retrouve des marques que lui seul pense reconnaître, et qui lui sont spécialement destinées. Définition même de la série en général, ce concept permet de concevoir une sorte de monde virtuellement attachant, englobant, terriblement addictif, qui prend le temps de développer paisiblement son étendue, dans le but d'emmener avec lui, sans grande scission, les différentes personnes enclines à se laisser prendre. Il agit en tant que symbolique de l'amitié, un ensemble de liens personnels tissés avec une donnée immatérielle, mais à la proximité évidente et pratiquement sensorielle. Cette dimension rajoute une strate supplémentaire aux émotions ressenties lors de la pénétration au sein d'un RPG dépositaire d'un background travaillé, et d'une ambiance suivant cette donnée. En effet, la plongée au gré d'un univers fantasmé, comprenant les bases, les fondations, d'une existence idéalisée, répondant à une volonté d'affirmation de soi acquise et sans cesse sublimée, au travers d'un contexte imaginaire donnant liberté et corps aux désirs profonds les plus diversifiés, se trouve alors multipliée par l'habitude et la sérénité issues de la répétition.

De plus, et cela de manière plus prosaïque, Final Fantasy fonctionne aussi comme une marque à part entière, se servant justement de son univers « constant » comme d'une image véhiculant une identité forte. Un Final Fantasy se vend en priorité parce que c'est un FF. Il n'a plus besoin de démontrer un contenu, d'exposer des spécificités. Les acheteurs étant certain de se reconnaître dans un ensemble qui va de toute façon faire écho à leurs habitudes, il est indéniable qu'ils acquérront le produit sans y chercher de réels renseignements. La majorité des personnes concernées se laissera tenter même confrontée à des critiques négatives, ou des points gênants soulevés. Il est d'ailleurs amusant de percevoir parfois une mauvaise foi certaine concernant des défauts acceptés lestement dans un FF, et pointés du doigt de manière véhémente dans un titre de moindre envergure. S'il est certain que l'enrobage d'un épisode de la saga de Square minimise les écueils de par son soucis du détail omniprésent, la raison n'est pas suffisante pour ferme les yeux amoureusement sur certains points. Et de tout cela découle logiquement une médiatisation plus aisée et par conséquent plus poussée qui permet à la série d'occuper le devant de la scène rapidement et de façon imposante. En effet, FF demeure la seule série de RPG pouvant se vanter d'avoir parcouru les esprits de personnes désintéressées par ce type de soft, et connue de l'ensemble des amateurs, mêmes récents de produits vidéoludiques. Ce qui démontre incontestablement le matraquage médiatique entrepris par Square-Enix, et surtout sa volonté un peu trop appuyée d'ouvrir sa série phare de manière impudique. Toutefois, il également et légitimement important de noter le fait que cette saga se démarque aussi, dans son ancrage dans l'affectif collectif, par des qualités réelles et surtout des travaux sur les personnages relativement fouillés et profonds. Reste à espérer que le côté artistique fascinant, autant musical que graphique ne poursuive pas sa chute d'intérêt par le biais d'une certaine perte d'honnêté durant depuis cinq ou six ans.


Evolution de la série, première partie


Débutée en 1987, la série Final Fantasy au gré des ses mutations plus ou moins majeures a su s'imposer rapidement comme l'un des piliers mondiaux dans le domaine du RPG d'une part et de l'industrie vidéoludique d'autre part. Mais comment a t-elle pu atteindre un tel degré de médiatisation après seulement une quinzaine d'années d'existence, et quelles sont les principales étapes de ses diverses modifications ? Développé dans une urgence financière critique, Final Fantasy demeurait en fait la dernière chance (d'où le titre) d'une petite société nommée Square, minée par des désillusions manifestes dans l'univers cruel des produits multimédias à vocation de divertissement. Expérimentant la niche encore peu usitée du jeu de rôle, et sur les traces du célèbre Dragon Quest, déclencheur d'une passion aussi surprenante que soudaine, le premier opus de la saga du futur Squaresoft tente un placement habile dans une vague addictive sans précédent. Alors que son concurrent direct, sous l'égide d'Enix, adopte un parti-pris fidèle aux RPG occidentaux dont la caractéristique principale est le déroulement en vue interne, ici seulement conservé lors des combats, Final Fantasy premier du nom propose un système d'affrontements différent, basé sur une vision de profil des différents intervenants. On se rapproche donc plus des jeux de rôle sur plateau, dans une représentation davantage axée sur l'avatar en tant qu'icône « palpable », correspondant à un aspect plus concret, plus ludique.

On retrouve instantanément le plaisir simple du déplacement d'unités graphiquement spécifiques et disposant de ce fait d'une certaine assise, et surtout, ce qui a sûrement occupé une part majeure dans l'affection du public, la création d'un attachement certain pour ces petits tas de pixels si prenants à l'époque. Pour la première fois dans un RPG japonais, le joueur prenait pleinement conscience de ses matérialisations au sein de l'univers qu'il explore, et disposait d'une capacité de projection bien plus importante. Aucune coupure ne s'imbriquait entre les phases d'exploration et celles axées sur le pugilat. L'impression d'accompagner l'action était de ce fait beaucoup plus imposante, et surtout plus dynamique. Même si le champ de bataille était réduit à divers cadres incluant les intervenants, ainsi que les statistiques renseignant sur l'état de ces derniers, à la manière d'une feuille d'aventure d'un jeu de rôle papier, baignés dans un fond noir, l'ensemble conservait une vision nouvelle, et bien plus chaleureuse que celle inhérente à Dragon Quest. Néanmoins, le soft d'Enix, porté par le chara et le level-design de Toriyama Akira (Dragon Ball Z, Dr Slump, …) déjà très réputé au Japon, lui permit de contrer l'assaut de Square en se réservant une fidélité des joueurs incontestable. Malgré cet état des lieux, FF 1 réalisa un score dépassant aisément les attentes les plus folles de l'équipe de Sakaguchi Hironobu (producteur) et donna ainsi la chance à Square de se remettre à flots. Une fois ce cap passé, une suite fut développé à peine une année après. Ne possédant aucun lien scénaristique avec le titre précédent, aspect qui demeurera une des constantes de la série, FF 2 étonna de nombreux amateurs par son approche totalement différente d'un univers qui commençait tout juste à prendre racine. Alors que le premier opus mettait à l'œuvre un groupe de guerriers sans background, ne disposant pas même d'un patronyme, ce qui donna à de nombreuses personnes l'occasion de s'incarner complètement dans ces derniers, le second pose quant à lui un contexte « historique » développé, associé à un scénario, certes emplis de clichés et aux rebondissements plus que prévisibles, mais tout de même relativement mature pour l'époque. Contant les aventures d'un groupe de guerriers faisant face à l'oppression d'un régime dictatorial par le biais de la mise en forme d'une résistance de l'ombre, FF 2 véhiculait une approche sentimentale complètement réinventée par rapport à son prédécesseur. En premier lieu, les individus présents disposaient chacun d'un caractère particulier, soumis certes à la régence du groupe, mais parvenant à faire de chacun d'entre eux un homme ou une femme différente, et en cela même, une incarnation d'un type humain focalisé. Deuxièmement, apparaissait dans cet épisode le schéma qui sera repris dans pratiquement tous les opus qui suivront, à savoir une double manifestation du mal, à travers une menace exposée directement, masquant celle réelle, bien plus importante, et surtout agissant en secret.

Cette notion du mal sous-jacent, d'une insécurité gangrénant le monde sans se montrer, un péril latent, composera l'identité même des figures antagonistes de nombreux titres. En effet, les psychologies inhérentes aux individus mis au premier plan de l'infamie fonctionneront toujours sur un principe de dualité, d'une prise de conscience tardive d'un sentiment ou d'un état d'esprit jusqu'alors enfoui dans l'inconscient. Enfin, l'arrivée du symbolisme de la mort dans son apparence implacable et sa violence instantanée permit à FF 2 d'entamer un recul jusqu'alors à peine suggéré. Planant en tant que fatalité sur un destin sombre, cette occurrence ne trouve un écho équivalent que dans FF 7 et FF 6 décrivant des évènements ponctués d'un nombre assez important de décès. Néanmoins, la réalisation de cette acquisition nouvelle se traduit d'une façon un tantinet différente dans FF 2 du fait d'une absence totale d'intégration d'individus principaux concernés par ces tragédies virtuelles . Seules des connaissances, des êtres rencontrés au détour d'une bataille ou d'un service rendu, connaissent la froide étreinte. On ne se sent de fait pas spécifiquement concerné, d'une part à cause du manque d'étendu narrative liée à ces dernières, les amputant par la même d'un passé et d'une inscription commune, proche, dans une habitude non exceptionnelle, et d'autre part à cause d'une carence de liens affectifs avec un entourage diffus, doublée d'une absence de but précis et d'une raison d'une présence parfois intrigante. Un principe qui sera abordé avec une réflexion et une volonté d'immersion émotionnelle nettement plus profondes dans les opus 6 et 7, brisant les barrières « morales » d'une limitation pouvant détourner le public de l'aspect « conte » voulu par le RPG, du moins à l'époque. Pétri de ces inspirations, FF 3, reprenant dans les grandes lignes le scénario du premier épisode, tout en y ajoutant les acquis du second, comprenait pour la première fois l'ensemble des références qui allaient posséder par la suite le statut de gimmick. Citons pêle-mêle le personnage de Cid (certes relique du second opus, mais occupant une place grandement plus lumineuse, à l'image du chocobo), ou encore le Mog, sorte de petit ours affublé d'ailes de chauve-souris, qui occupera un rôle soumis à l'interaction dans FF 6. Pourtant, ce qui marque le plus l'esprit dans cette évolution constante demeure le côté scénaristique, qui va subir un bond plus que consistant à partir du quatrième épisode.


Evolution de la série, seconde partie


Effectivement, FF 4 inaugure l'arrivée d'une focalisation au sein du domaine de la psychologie des personnages, ou plutôt du personnage en particulier. En effet, cet épisode se focalise sur les liaisons ténues entre les concepts de bien et de mal par le biais du héros du jeu, nommé Cecil. Jeune commandant au service du royaume de Baron, cet émissaire zélé d'un gouvernement relativement autoritaire, celui-ci parcours le monde au gré des tâches lui étant assignées par son autorité. De plus en plus cruel et utilisant des méthodes à la radicalité constante, Cecil connaît une certaine désaffection de la part de ses troupes, choquées par les agissements immoraux de leur supérieur. C'est d'ailleurs au cours d'une mission durant laquelle ce dernier arrache un cristal légendaire à la ville de Mysidia en massacrant littéralement son peuple sans aucun questionnement, qu'il va paradoxalement prendre en considération en questionnement personnel. Une prise de conscience motivée par l'apparition soudaine de monstres, clairement liée à la subtilisation de l'artefact séculaire de cette contrée, qui firent disparaître l'ensemble de l'équipe de Cecil, alors Dark Knight. Emettant des doutes sur les bienfaits de son action face à son Roi au retour de son expédition, il se verra rayé à jamais de l'ordre auquel il appartient, sans comprendre pleinement les raisons de son renvoi. On se trouve par conséquent à ce point face à une réflexion que l'on expérimentera plus tardivement dans Suikoden 2, à savoir la fidélité à des principes, personnels ou imposés, que l'on estime justes, et pour lesquels on se fond dans une sincérité purement aveugle. En résumé, le souhait d'un cheminement vers un but, pas forcément répréhensible en soi, par des voies différentes et surtout assimilées pleinement par les personnes concernées. Complètement perdu, car privé d'un horizon conforme à sa volonté de bien-être, Cecil va opérer une scission spirituelle avec ses anciennes attentes afin de récupérer une légitimité d'existence. Néanmoins, cette quête vers un autre domaine va connaître un sursaut lui permettant de décliner avant de s'amplifier. Rejoignant son fidèle ami Kain pour une expédition rappelant à lui les vaporeuses essences de ses aventures passées, Cecil va être la proie d'une déchirure si ample et violente que son existence en sera bouleversée. En fait, les deux compagnons doivent emmener une bombe dans le village de Myst, afin de neutraliser un groupe de monstres belliqueux. Ne pouvant être rallié que par une grotte, ce dernier survit sous la protection d'un Dragon mythique, que Kain et Cecil vont exterminer sas états d'âme, méconnaissant son statut et son utilité.

Mais une fois parvenu au sein du hameau, les évènements différèrent de leur mise en forme première, et ce sont non seulement les créatures qui vont subir le souffle de la bombe, mais aussi les villageois, dans une hécatombe effrayante. Dans le même temps, une jeune fille nommée Rydia, et liée viscéralement au Dragon, tentera naïvement de mettre fin aux jours des deux assassins en armure sans y parvenir. Cet acte désespéré, lié avec la terreur de Cecil à la vue de la répercussion de ses actes, lui ouvre les yeux avec force et il décide immédiatement de s'occuper de la fillette, afin d'expier sa « faute ». Kain quant à lui, se repose sur ses ordres et sa hiérarchie, et quitte son ami avec lequel ses opinions diffèrent maintenant de façon trop imposante. Ils ne peuvent désormais plus avoir de contact sans dénaturer les rêves de l'un ou de l'autre. Une sorte de constat non dit basé sur la place que chacun occupe dans un univers construit autour de leur besoin d'affirmation. Coupé de son passé et des seules bribes qui s'y accrochaient, Cecil désormais oeuvrant de son propre chef, non soumis à des pressions amicales ou politiques, s'ouvre à une existence loin de ses considérations ayant pris les statuts de vérité. Mais en parallèle de l'existence conjointe de deux destinées antagonistes tiraillant son être, le héros va devoir faire face à un affrontement schizophrénique avec son ancienne personnalité, s'attachant comme une longue maladie à son cheminement vers un renouveau qui semble lui convenir. Semble effectivement, car dans un cas parfaitement et pleinement résolu, les ombres de son « moi » dispersé n'effleureraient pas sa conscience de la sorte. Annonçant FF 7, ce quatrième épisode, de par son parti-pris étonnamment complexe, mettant en exergue un personnage principal « humain », confronté à lui-même, et faisant preuve d'un désintéressement pour autrui beaucoup plus naturel que l'héroïsme perverti d'un Squall par exemple, fait un tant soit peu office de charnière profonde dans l'histoire de la série. D'autre part, et pour finir avec cet épisode, le joueur est pleinement convié à intégrer l'aventure par le biais du Kain, individu trompé et vaniteux, entrant en corrélation avec le spectateur dans son attitude envers Cecil.

Sûr de ses positions et prenant son compagnon pour un traître, il raisonne d'une manière analogue au joueur qui voit dans le Dark Night le symbole d'un univers vicié, incarné par un homme sans pitié et à la froideur consistante, sans aller au bout d'une mise à bas des réflexes mentaux surfaits et moralement ataviques, lui permettant de conclure à un simple conditionnement. On voit donc aisément que Kain contient également cette part d'humanité pétrie de paradoxes et fragile qu'il partage avec Cecil. Un bond en avant qui laisse de côté un épisode 5, aux ventes faramineuses mais à la profondeur nettement moins intéressante. Un peu comme le rapport entre FF 7 et FF 8 curieusement. Arrive par conséquent FF 6, véritable révolution narrative, et incarnation vidéoludique de la construction scénaristique. Proposant un trame riche et parvenant à équilibrer de manière subtile moments de bravoure et d'émotion, ce dernier Final Fantasy oeuvrant sur Super Nes se détache de sa lignée par la construction d'un contexte steam-punk risqué dans un style de jeu, le RPG, qui a encore du mal à se détacher de l'affection des joueurs pour l'héroic-fantasy. Dans le même ordre d'idées, l'ambiance assignée exhale une noirceur tentaculaire déstabilisante, déversant un froid clinique sur un univers dont le contexte fait écho sous certains aspects à nombres de conflits actuels. Dépeignant un monde entier soumis à la puissance militaire d'un empire autocratique, cherchant à installer une occupation étouffante dans le but de réduire au silence les dernières poches d'une résistance essoufflée, FF 6 appose sa loupe sur la personne plus que sur l'environnement. C'est en effet le seul lieu disposant encore d'une variété, d'une différence, dans un univers stérile et nivelé par les discours et les actes de l'Empire. Le décor planté se trouve dans le psychisme et les expériences personnelles des divers individus déambulant dans les tortueux méandres d'une quête autant intimiste que générale. On peut en effet voir la trame complète comme une sorte d'extériorisation ciblée des fantasmes et des angoisses de chacun. Une sorte de quête de rédemption, dans laquelle chaque intervenant cherche une place, une situation dans un univers impersonnel et déstabilisant qui noie l'être dans un flot de noirceur. De ce fait, l'émotion se revêt d'une dimension particulière et éminemment plus développé que dans les anciens opus. L'accent se voit accroché sur une plongée au cœur d'étapes ombrageuses, de démons intérieurs, gangrenant les existences et les esprits. Habilement distillées et scindées par un rebondissement de situation majeure, les destinées des protagonistes seront alors dévoilées dans leur cruelle solitude, plaçant chacun d'eux face à son histoire, dans le but d'une part d'évoluer et d'atteindre une paix qui ne peut être envisagée à l'extérieur. Comme explicité précédemment, les sentiments disposent désormais d'une mise en scène leur étant dédiées spécifiquement, prenant le temps de poser une ambiance, un contexte comportemental et psychologique, comblés habilement par une composition musicale en adéquation, permettant de pallier les carences en animations et au niveau de la fabrication de plans, impossibles à gérer en 2D.

L'épisode des retrouvailles de Setzer et de sa famille entièrement décédée, violent et cru de par le manque de témoins d'émotivité sur les visages et tout simplement l'environnement glacial et surtout dénué de couleurs, parvient à marquer émotionnellement de façon puissante grâce à la brutalité décrite ci-dessus, et grâce à la confrontation intelligente de deux situations analogues aboutissant à la même frustration, une lame de fond supplémentaire, rapide et sans fioritures. Malgré l'absence de mise en scène cinématographique, mais par le biais d'une simple réaction à visage humain, on se retrouve soudain dans une complexité sentimentale à l'évocation romanesque. C'est là une force insoupçonnée de ce titre, à savoir un degré d'implication sans scènes en images de synthèse, sans explosions apocalyptiques, mais doté de la présence d'un schéma réflexif cohérent et réaliste, parvenant à mettre en place l'exhalaison de sentiments divers et mêlés. De même, l'évolution générale du schéma scénaristique incluant personnages et situations, se montre d'une part axée vers une complexité constante, une quête vers des réponses dépassant le cadre de la confrontation face à un destin global, et d'autre part en direction d'une dramatisation exponentielle qui connaîtra un paroxysme notable, allié à un désir évident de perfection cyclique. Il apparaît donc que FF6, étonnamment mature et profond pour l'époque, fonde un socle solide et indubitablement serti d'une passion narrative et cohérente. Evidemment, le titre ne peut échapper à certaines errances dû à sa date de parution, à savoir des actions parfois trop appuyées, des ellipses un tantinet inadaptées à certaines situations, et quelques réactions inconcevables dans un déroulement logique de la trame. Néanmoins, on ne peut le définir par ce prisme, et il demeure encore aujourd'hui comme une sorte de réajustement, de filtre révélateur d'une fibre de l'imaginaire, d'une profonde envie de créer et de raconter une histoire sans la naïveté inhérente aux productions antérieures. La principale avancée est en effet une prise de risque majeure incarnée par le ton glauque et sans l'once d'un espoir inscrit dans une société informe et froide, relayée par la construction d'un passé. Effectivement, les divers intervenants se définissent par des évènements antérieurs, et se voit dotés d'un âge suffisamment propice à la mise en place d'une antériorité importante. On ressent réellement les marques, les stigmates aboutissant à un recul émotionnel, parfois douloureux, parfois heureux, mais bel et bien omniprésent et nécessaire. Le tout dispose d'un corps, d'un caractère, d'une matérialité.

Et l'évocation de cette consistance se répercute totalement dans ce qui sera l'aboutissement indubitable de la saga de Squaresoft, vecteur d'une quasi-révolution autant technique que scénaristique, à savoir FF7. Réunissant en son sein les avancées résultant du développement conjoints des aspects psychologiques et relatifs à la définition d'un univers, le premier épisode à voir le jour sur la Playstation bénéficie grandement des capacités de cette plate-forme en matière de 3D. Permettant enfin la mise en place des codes cinématographiques via la possibilité de disposer d'un arrangement des points de vue, et surtout à travers la réalisation de plans, le septième opus de Final Fantasy va apporter une profondeur immersive et émotionnelle encore inaccessibles à la dernière génération. Dans la continuité de FF6, ce dernier décante une atmosphère mécanique, crasseuse et pessimiste, au creux d'un contexte cyber-punk, plaçant la machine au-dessus de l'être dans un renversement des valeurs angoissant. Monde en complète déliquescence, la Terre vue par le verre dépoli de FF7 connaît une transformation radicale du fait d'une surexploitation de sa richesse interne, le Mako. Sorte de composante vivante et nécessaire à l'équilibre naturel de la planète, cette substance possède des vertus énergétiques telles, qu'elle devient rapidement l'unique source de création d'énergie des principales villes et hameaux. Génitrice de revenus rapides et aisés, elle se meut immédiatement en une possession à obtenir coûte que coûte, ce qui sera réalisé par un conglomérat tentaculaire du nom de Shinra. Cette société réussira d'ailleurs par l'utilisation de la force et du chantage à s'octroyer un monopole augurant deux conséquences dramatiques : D'une part l'appauvrissement écologique de l'environnement, et d'autre part la création quasi automatique d'une caste de hauts fonctionnaires, disposant d'un piédestal technologique et financier, reléguant les classes sociales désavantagées dans des zones d'habitations aux allures de bidons-villes, dans lesquelles se voient rejetées les déchets d'une industrialisation vociférante.

A suivre bientôt.............

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