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Midgard State
11 février 2005

Le social c’est un peu comme un livre sur la pousse des concombres en Lozère

 

Dans la planification électoraliste et à détermination économique de la gestion immobilière sous couvert d'une action sociale éminente, le gouvernement français des années 70 s'était visiblement axé sur une politique du logement disposant d'atours charmeurs et modernes. Suite à la période faste de l'après guerre et de l'innocence opulente du début des années 60, la France doit faire face à une crise du nombre d'habitations disponibles, découlant directement de l'intégration des enfants du baby-boom, et du développement des issues professionnelles urbaines. Devant une telle affluence et une demande sans cesse plus imposantes, les instances politiques décident de mettre en œuvre un gigantesque plan d'aménagement de terrains viables, dans le but d'y ériger des complexes d'habitation suffisamment classieux pour y attirer les jeunes cadres et les classes moyennes désireuses de disposer d'un appartement en dehors de Paris même (qui servira ici d'exemple), ou tout simplement dans l'objectif de se rapprocher de leur activité rémunérée quotidienne, de plus en plus située hors de l'agglomération. Surchargée de travail et de projet divers, notre beau pas, rechignant à dilapider ses maigres économies se décida à embaucher de la main d'œuvre étrangère, venant dans sa plus grande partie des pays du Maghreb, ou de colonies pas encore tout à fait libérées. Bercées par les promesses et la vision idyllique et viciée d'un pays occidentalisés, mettant en avant les droits de l'homme et disposant d'une économie et d'une liberté permettant de se construire une nouvelle et agréable vie, de nombreuses personnes décidèrent alors de tenter ce voyage onirique, coupant des liens fort avec une culture et une terre leur étant plus que chère, et remettant souvent en cause l'avenir de leur famille même devant les certitudes fabriquées par leur contrée cible. Se révélant bien moins coûteuse et surtout plus dure à la tâche, plus « courageuse » comme disaient les entrepreneurs de l'époque cette main d'œuvre participa donc dans une majeure part de la mise en place d'une urbanisation rapide et intransigeante de la banlieue.


Mal logés, souvent réduits à dormir sur les chantiers, les ouvriers, construisant des logements alors qu'eux-mêmes en étaient quasiment privés, subissaient également une dégradation de leur propre image à travers cette précarité, le racisme latent, et surtout, pour la plupart, la séparation d'avec une famille qu'ils ne voyaient plus depuis leur séjour prolongé en France. Valéry Giscard d'Estaing, alors président de la république entama de ce fait un procédé nommé tout prosaïquement « Le Regroupement Familial » et enrobé d'une préoccupation sociale qui se révéla totalement surfaite. Pourtant, dans ses fondements, et dans ses applications premières, cette possibilité réservée aux travailleurs étrangers semblait d'une part corriger l'une de leur plus imposante déconvenue, responsable d'un manque certain d'espoir et d'une scission émotionnelle, et d'autre part permettait d'entrevoir des déclinaisons pouvant aboutir à un processus d'intégration et surtout de reconnaissance du statut encore flou des étrangers, qui éviterait par là même d'employer ce terme pour des individus vivant en France depuis plusieurs années. Mais comme la notion même d'intégration semble poser problème et sonner relativement bas aux oreilles des milieux politiques depuis pratiquement un siècle, le résultat de ces mains mollement tendues apparu soudainement dans sa triste réalité. Certes, les pouvoirs publiques ont effectivement tenu parole et ont favorisé la venue des différentes familles des travailleurs immigrés en facilitant les impératifs administratifs, mais ont feint à partir de ce moment là une ignorance coupable. En effet, alors que les besoins premiers (nourriture, « logement ») des arrivants commençaient tout juste à se stabiliser, leur besoin d'accès à une aide à la compréhension du pays, dans le simple but de pouvoir y évoluer en toute quiétude, se démarqua par son absence.


Effectivement, et cela ne sous-entend nullement une quelconque forme d'obligation forcenée, une possibilité d'éducation, d'accès à des mises à niveau dans la langue du pays d'accueil, et même clairement une ouverture sur les particularités d'une terre inconnue auraient grandement mérité d'être proposées à ces familles coupées de leurs racines, et totalement noyées dans le flot de non-dits culturels et de spécificités nationales. Mais au lieu de cela, l'insuffisance fit loi, et couplée au phénomène de « ruée pavillonnaire » aboutit à un repli sur elle-même d'une communauté isolée et dans un besoin matériel conséquent. Mais avant de poursuivre, une explication s'impose quant à ce que j'appelle la « ruée pavillonnaire ». En fait, vers le milieu des années 70, et toujours devant la pression de l'immobilier, l'état français a lancé une gigantesque entreprise de séduction visant à promouvoir l'émergence de pavillons, mis en place dans les espaces « libres » des banlieues, loin des immeubles où les habitants commencent à s'entasser et à découvrir des appartements un peu trop exigus, et loin des attentes d'une vie « conforme » aux attentes véhiculées par la société. De ce fait, les propositions alléchantes soumises par les pouvoirs publics sûrement en accord avec des entreprises visiblement intéressées, charment en grand nombre les classes moyennes qui vont s'endetter de manière quasi-irréversible, pour obtenir cette sorte de compensation qui n'aboutira en fin de compte qu'à créer une scission au sein même des cités d'habitation. En effet, les personnes laissées en arrière se sentent isolées, ignorées, hors des limitations pourtant larges permettant d'accéder à cette vie différente hors des immeubles. S'opère alors un repli sur soi concernant en majorité les travailleurs immigrés évidemment, faisant déjà face à des difficultés de logement et à une absence d'alphabétisation.


Au fil des générations, et voyant le statut de leurs parents et grand-parents, les jeunes, plongés dans des questionnements de statut et d'inégalités face à l'emploi, souffrent alors d'un manque d'existence et de considération, d'une crainte d'une société extérieure ne désirant pas de leur personne. Un phénomène de ghettoisation prend alors forme, dont découle l'émergence de bandes, simples regroupements d'individus désirant demeurer au sein d'une certitude, d'une sûreté, afin de ne pas ressentir une angoisse semblable à l'épée de Damoclès. S'ensuit logiquement une crainte et une déception grandissante devant la lâcheté et l'absence d'un extérieur attirant mais à l'inaccessibilité traumatisante. Un cercle vicieux s'impose donc dans la mesure où les institutions politiques, méconnaissant le problème et bardées d'idées préconçues ne se lancent pas sur un terrain qu'elles estiment miné et surtout ne répondant pas à leurs injonctions maladroites et parfois malvenues. Chacun se retire donc de son côté, et les seuls retours de la politique dans les quartiers en difficulté se fait donc par le biais de volontés électoralistes, donnant aussi une impression circulaire dans l'enfoncement au sein d'erreurs maintes et maintes fois commises. Les élus circulent très accompagnés dans ces cités en difficultés, discutant avec les personnes s'occupant de toutes leur force et au mépris de leur vie personnelle de la gestion de leur morceau de coexistence, faisant tout bêtement semblant de s'intéresser. Au moindre reproche, à la moindre question dont ils n'ont pas la réponse, leur tactique réitère des effluves de fuites et d'ignorance, s'occupant seulement de savoir s'il ne faudrait pas (véridique) rajouter un rocher au coin d'une pelouse ou d'admirer un arbre « aux feuilles vraiment vertes pour la saison ». Se rapprochant ensuite d'un jeune garçon et lui demandant avec un ton naïf et faussement concerné ce qu'il veut devenir plus tard, ce dernier lui répondra avec conviction « maire ». Le vrai maire visiblement heureux de cette affirmation et le sourire aux lèvres se retire alors doucement, laissant planer dans l'air une sorte de ravissement humoristique, un mot volé au détour d'une situation.


Néanmoins, ce moment de paix se pare d'un cynisme corrosif lorsque cette personnalité élue évoque ce fait : « Vous croyez qu'avec l'éducation qu'il reçoit ici, il pourra arriver à ça ». Cela pourrait être de la compassion, mais le ton laisse présager tout autre chose, un désintérêt coupable et reconnu. Une absence de réaction qui se soldera par une décision d'importance (je précise une nouvelle fois que tout ceci est vrai). Effectivement, persuadé que l 'infrastructure crée le malheur (soit elle y participe mais ce n'est pas le phénomène principal, loin de là, même s'il est vital de créer des interactions et la circulation de la communication pour éviter une certaine entropie sociale), la mairie décide de raser une barre entière d'immeubles sans projet de réaménagement à suivre. Evidemment tous les locataires sont conviés à donner leur avis, mais l'issue ne pourra en aucun cas être modifié. Les élus le savent ce qui se rapproche une nouvelle fois d'un cynisme désobligeant, mais les habitants s'en rendent aussi compte, mais continue à y croire de fatigue et de dépit. Relogés dans des conditions discutables, les anciens propriétaires (et oui propriétaires !) d'appartements des bâtiments détruits ont de ce fait perdu tout l'argent inséré dans leur plan de logement, tandis que les travailleurs étrangers ressentent une nouvelle frustration, une incompréhension de leur volonté profonde. Je voulais simplement en arriver au fait que le phénomène des quartiers en difficulté comme le nomme les médias se révèle bien plus profond et ancien qu'on veut bien nous le faire croire, et que ce n'est pas en le considérant exclusivement par le prisme de l'insécurité, de la délinquance, et d'une tolérance à double visage que nous pourrons arranger cette condition. Je ne souhaite pas donner une leçon, mais bêtement exposer des faits qui permettent peut-être de juger plus posément d'une situation difficile, qui ne pourra être réglée dans le conflit. Mais les médias, le journal télévisé en priorité, nous l'apprennent autrement. Dommage.

Pour plus d'informations :  http://info.france2.fr/emissions/209728-fr.php ou/et http://www.gisti.org/droit/textes/regroupement/

 

"Mince, je vais arriver en retard pour la démolition !"

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